Le président Chirac veut confier la riposte française (mâtinée d'Europe) contre la numérisation de 15 millions de titres anglo-saxons, libres de droits, par Google à Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF — elle n'a pourtant pas toujours pris les bonnes options techniques dans ses propres projets de numérisation — et au ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres.

L'idée est bien de ne pas laisser Google occuper seul ce créneau culturel et industriel considérable. L'entreprise américaine serait menée en collaboration avec les bibliothèques de trois universités, Stanford, Michigan et Harvard, avec la New York Public Library et avec la Bodleian Library, rattachée à l'université d'Oxford au Royaume-Uni. Les premiers titres devraient être disponibles dès la fin de 2005 et la fin du programme pourrait être bouclée dans six ans, estime Google.

La firme entend régler l'addition, estimée à 150 ou 200 millions de dollars. Elle affirme avoir développé un outil léger et rapide pour scanner ces millions de documents imprimés en mode texte, une opération normalement longue et onéreuse, mais qui permet des recherches documentaires sur le texte intégral. L'opérateur de la Silicon Valley refuse d'en dévoiler le profil.

Mais pourtant ses conseillés agitent de drôles d'hypothèses si l'objectif est bien de préserver l'indépendance européenne et la diversité des approches de la connaissance :

Dans l'esprit du chef de l'Etat, il s'agit de bâtir un « alter ego » au projet américain, avant d'envisager une éventuelle collaboration avec Google, pour ne pas discuter en situation de faiblesse. Le président serait-il prêt à s'entretenir avec le concurrent de Google, Microsoft, puisqu'il a tant de convergences de vues avec son président, Bill Gates, qu'il a longuement reçu à l'Elysée ? « Pourquoi pas ? », répondent les conseillers de M. Chirac.

Le Monde, Jacques Chirac veut promouvoir un projet de bibliothèque virtuelle européenne, 16 mars 2005, Béatrice Gurrey et Emmanuel de Roux