John Naughton pose enfin dans une chronique du Guardian, la question à laquelle nombre de spécialistes ont déjà répondu : « why is Microsoft's Internet Explorer (IE) so bad ? »

Voici une question intéressante : pourquoi Internet Explorer de Microsoft (IE) est-il si mauvais ? Non seulement il est périmé et fatigué comparé à la concurrence, mais il est également excessivement vulnérable aux attaques.

Le journaliste britannique fait ensuite référence à la dernière faille d'IE et d'autres grands produits Microsoft qui touche le traitement des images JPEG et qui est exploitée depuis dix jours (avec maintenant des virus repérés). Il lie ensuite l'incorporation d'IE à Windows au fait que ses utilisateurs ne connaissent pas l'existence de bien meilleures alternatives. Ils présument donc que tous les maux dus à IE sont « l'état naturel des choses ».

Voici le casse-tête. Quoiqu'on en puisse penser, Microsoft est une organisation futée, riche, pathologiquement concurrentielle. Il emploie des personnes très intelligentes et se glorifie de produire des logiciels avec plus de fonctionnalités que la concurrence. Alors, comment se fait-il qu'il ait permis à son navigateur – qui, après tout, est pour beaucoup d'utilisateurs l'application qu'ils emploient le plus – de s'assoupir de cette façon ? IE n'a pas changé beaucoup en cinq ans, ce qui est une éternité dans les commerce de logiciels. Pourquoi ?

Il y a deux explications possibles. La première est que les monopoles n'ont pas à innover. Microsoft est venu tard à l'Internet – et donc au marché des navigateurs, qui a été à l'origine dominé au milieu des années 90 par Netscape. Alors il s'est embarqué dans une politique de destruction de Netscape, qui par la suite l'a mené jusqu'au tribunal. La politique fut brutale – incorporer IE dans Windows et exploiter ainsi le monopole de Microsoft sur les systèmes d'exploitation ; et faire impitoyablement pression sur les fabricants d'ordinateurs.

Ça a très bien marché jusqu'à la situation monopolistique actuelle où « Microsoft n'aurait plus besoin d'innover. Il n'y a pas de concurrence. »

L'autre explication est plus intéressante. C'est que Microsoft est piégé. Il n'ose pas mettre à niveau son navigateur et le rendre plus sophistiqué car en faisant cela il minerait les monopoles qu'il détient avec Windows et Office.

Pendant que les services Web deviennent plus sophistiqués et l'accès haut débit touche de plus en plus d'utilisateurs, nous arrivons au point où la plupart des utilisateurs d'ordinateur pourraient faire la majeure partie de leur « informatique » par l'intermédiaire de leur navigateur. Le webmail en est une excellente illustration. Autrefois, vous avez dû avoir un programme spécial (appelé un client) fonctionnant sur votre ordinateur afin d'accéder au courriel. Sur ce est venu Hotmail, qui a permis aux utilisateurs d'accéder à l'email en utilisant uniquement un navigateur.

Naturellement le webmail est plus lent et plus pauvre qu'avec l'utilisation d'un programme de courriel spécialisé comme Outlook ou Eudora ; mais d'autre part, il est présent partout.

Vous pouvez mettre la main sur votre courrier de n'importe quelle machine utilisant un navigateur. Cependant les inconvénients relatifs du webmail diminuent – et certains qui ont des comptes à l'essai sur le prochain service Gmail de Google rapportent que, globalement, ils le trouvent aussi satisfaisant que d'utiliser un client. Vous pouvez voir où cela se dirige. Nous entrons dans un monde où les gens veulent des services (applications) et ne se préoccupent pas beaucoup de la façon dont ils les obtiennent. La grande majorité des utilisateurs de Windows qui se servent de Google, par exemple, ne savent ni ne s'inquiètent s'il fonctionne sur Linux. Tout ce qu'ils veulent est une recherche sur le Web rapide et efficace.

La même chose se produira avec les applications qui jusqu'ici résidaient sur nos ordinateurs. En ce moment, la meilleure manière de créer du texte est d'exécuter un programme de traitement de texte sur votre PC. Mais qu'arriverait-il si la combinaison d'un navigateur sophistiqué et d'un service de traitement de texte basé sur le Web apparaissait ? Seriez-vous alors aussi concerné par où l'application réelle est localisée – ou sous quel système d'exploitation elle fonctionne ?

Ceci, je pense, conduit au coeur du casse-tête concernant IE. Microsoft simplement ne sait pas quoi faire à son sujet. Ces derniers mois, nous avons commencé à voir les signes que la paralysie de Redmond produit un effet.

Pour la toute première fois, la part de marché d'IE a commencé à décliner – moins 2 pour cent en deux mois. Naturellement ce n'est qu'un fétu de paille dans le vent. Mais la chose merveilleuse avec les fétus de paille, c'est qu'ils montrent dans quelle direction le vent souffle.

Si ça ne vous rappelle pas l'article de Joel Spolsky de juin dernier « How Microsoft Lost the API War », il est toujours temps d'aller le lire. Si le courage d'avaler une pleine page d'anglais vous rebute, là maintenant, Tristan Nitot l'a aussi fait défilé dans son riche billet « Le navigateur en tant que plate-forme » de juillet. Le Web va avoir raison de Microsoft qui aura pourtant fait de son mieux pour lui pourrir la vie.