Thierry Stoehr sur son blog Pour les formats ouverts ! rapporte la publication au JO de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je rappelle qu'en droit français la publication d'un texte commande son applicabilité. Pour les juristes la publication a eu lieu dans le Journal officiel n° 36 du 12 février 2005, page 2353. La date du texte correspond elle à la formalité de promulgation clôturant le processus législatif, c'est-à-dire la signature du décret de promulgation de la loi pour le président de la République.

Pourtant, il est à parier que ce texte ne restera pas dans les esprits par son contenu essentiel mais bien plutôt par une de ses dispositions accessoires. Tout comme la grande loi de 1881 sur la liberté de la presse, un des textes fondamentaux de notre république libérale, est connue de tous les Français par cette interdiction peinte en grandes lettres noires sur fond blanc sur d'innombrables murs partout à travers la France : « Défense d'afficher — Loi du 29 juillet 1881 », la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits risque de rester dans les mémoires pour avoir ordonné d'écrire sur les bouteilles en contenant, que l'alcool est défendu aux femmes enceintes 1 .

Accessibilité des sites publics

La loi définit ce qu'il faut entendre comme un handicap dans le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de l'action sociale et des familles sur les principes généraux concernant les personnes handicapées (un article est ajouté avant l'article L. 114-1) :

« Art. L. 114. Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »

Cette définition large devra être prise en compte dans l'application des articles sur l'obligation d'accessibilité des sites publics et des conditions de mise en conformité de l'existant. En effet, au milieu de dispositions sur l'accessibilité des bâtiments la loi du 11 février contient un article 47 sur l'accessibilité des services de communication en ligne des entités publiques. Ils ne devront donc pas uniquement se préoccuper des déficiences visuelles mais prendre en compte d'autres types de handicaps.

L'alinéa premier de cet article 47 pose le principe de l'accessibilité des services en ligne relevant de l'État, des collectivités territoriales (régions, départements, communes) et de leurs établissements publics (hôpitaux, universités, lycées, établissements publics d'aménagement, SNCF, etc.). On regrettera que la loi se limite à ces personnes publiques et n'ait pas étendu l'obligation aux services publics gérés par des organismes ayant le statut de personnes privées (sociétés privées, associations, etc.). L'effort aurait pu être démultiplié par l'extension de l'obligation aux cocontractants de la puissance publique. L'avancement de l'accessibilité des sites privés aurait pu être accéléré par la création de mécanismes juridiques comme l'introduction de clauses obligatoires dans les contrats types des administrations ou encore de la prise en compte de l'accessibilité aux personnes handicapées comme critère d'attribution des marchés publics.

« Les recommandations internationales pour l'accessibilité de l'internet » sont élevées en véritables normes de droit interne. Le texte dispose qu'elles « doivent être appliquées ». Dans le troisième alinéa, le règles décrétales ne doivent être rédigées que « par référence aux recommandations établies par l'Agence pour le développement de l'administration électronique ». Cette expression de « par référence » n'a pas de contenu juridique précis et là, la loi pêche par ce défaut de définition de la nature de la relation de conformité entre les recommandations de l'agence et les dispositions du décret prévu par la loi.

Là encore, la loi ne vaudra que par son application effective. La détermination du politique sera prépondérante, au delà de la diligence à rédiger le décret d'application prévu (on sait que cela peut s'enliser à ce niveau pendant des années), pour maintenir une pression pour une application effective sur les administrations (au sens large) et leurs agents publics.

Article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Les services de communication publique en ligne des services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées.

L'accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l'accessibilité de l'internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne.

Un décret en Conseil d'État fixe les règles relatives à l'accessibilité et précise, par référence aux recommandations établies par l'Agence pour le développement de l'administration électronique, la nature des adaptations à mettre en œuvre ainsi que les délais de mise en conformité des sites existants, qui ne peuvent excéder trois ans, et les sanctions imposées en cas de non-respect de cette mise en accessibilité. Le décret énonce en outre les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne.


Note 1 : Art. 5 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

« Toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. »