Michel Rocard contre la World Company
Par Mozinet,
mercredi 9 mars 2005 à 03:31 :: Justice Législation
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Comme vous le savez sans doute — à moins de ne lire que Le Monde et Le Figaro — le Conseil européen a accepté le projet de directive sur les brevets logiciels. La balle est maintenant entre les mains du Parlement européen que le commissaire européen au Marché intérieur, Charlie McCreevy, a averti que « si le Parlement décide de le rejeter, alors la Commission respectera votre choix. Je ne proposerai pas une nouvelle directive » Ça pourrait être une bonne nouvelle mais ça sent plutôt la menace feutrée.
Michel Rocard, rapporteur du projet devant le Parlement européen, revient sur le sujet dans O1net.
« Tout le monde tonitrue. La pression des grandes sociétés, qui sont capables de s'offrir des bureaux d'avocats considérables pour défendre leur portefeuille logiciel, est énorme. Et elle joue beaucoup sur nos gouvernements. Mais la pression des défenseurs du logiciel libre est énorme aussi. Cela étant, en tant que parlementaires européens, tout cela n'est pas notre problème. C'est même plutôt énervant. Car nous ne défendons aucune de ces deux causes. Nous défendons simplement l'idée qu'il y a un intérêt de civilisation à ne pas accepter le principe d'une brevetabilité intégrale de toute formulation d'un nouveau savoir exprimé sous forme de logiciel, alors que depuis 6 000 ans le savoir de l'humanité se diffuse par la copie et par le libre accès. (…)
Nous ne sommes pas du tout anti-Nokia, anti-Apple, ou anti-Microsoft. Nous sommes simplement favorables à l'idée que Nokia, Apple, Microsoft ne doivent pas empêcher des acteurs plus petits qu'eux de produire des logiciels. Le critère est donc le suivant : une entreprise comme Microsoft, qui par ailleurs a besoin de faire du profit sur ses investissements industriels, ne doit pas en faire avec ce qui ne coûte rien à produire. (…)
Pour l'heure, la Commission a plutôt décidé de faire un texte un peu laxiste de manière à ne pas ouvrir une bataille politico-économique et financière avec les grandes sociétés. Et le Parlement dit que le respect de la liberté d'expression, fut-elle mathématique et logicielle, est un principe trop grand pour être bafoué. Mais vous verrez que dans moins de deux ans vous aurez une décision. Car cette pagaille juridique n'est bonne pour personne. »
De plus, Daniel Glazman publie un courriel de Michel Rocard défendant l'idée que cette affaire ne doit pas entraîner les opposants à la brevetabilité des logiciels à rejeter la Constitution européenne prochainement soumise à référendum. Cette adoption par le Conseil — qui, quand bien même elle serait légale, n'en serait pas moins illégitime — démontrerait qu'il faut instiller plus de démocratie dans la procédure législative européenne et renforcer les pouvoirs du Parlement européen.
Je ne donnerai pas mon point-de-vue pour l'heure sur cette affaire de peur de me répandre en imprécations stériles contre ces vendus… zut ! je commence déjà…
Ci-dessous des liens pour aller un peu plus loin sur cette affaire…
- 01net., Michel Rocard : « Nous souhaitons que des acteurs plus petits qu'un Microsoft puissent continuer à produire des logiciels », 7 mars 2005, Philippe Crouzillacq
- Glazblog, Mail de Michel Rocard, 8 mars 2005, Daniel Glazman
- Le Monde, Michel Rocard ferraille contre le brevet logiciel, 17 fév. 2005, propos recueillis par Michel Alberganti et Stéphane Foucart
Ailleurs :
- VNUnet, Le Conseil de l'Union européenne valide le brevet logiciel-Business/Vie publique, 7 mars 2005, Christophe Lagane, article intéressant en particulier sur la procédure communautaire.
- ZDNet, Brevets logiciels : le Conseil européen passe en force, 7 mars 2005, Estelle Dumout
- FFII, La présidence du Conseil adopte l'accord sur les brevets logiciels en dépit du règlement intérieur du Conseil, 7 mars 2005, communiqué de presse
- JDN Solutions, Fabrice Deblock :
- 3 questions Philippe Aigrain (Sopinspace), 9 mars 2005, une bonne interview de synthèse des arguments anti-brevetabilité
- Interview Gérald Sédrati-Dinet (vice-Président et représentant en France de la FFII), 2 mars 2005
- Libération, Brevetage des logiciels : l'UE trouve un accord, 8 mars 2005, Julie Majerczak, comme quoi il était possible de publier un article le 8
- Legalis.net, La réponse de Jacques Chirac (RPR) sur la la brevetabilité des logiciels, piqûre de rappel sur les promesses de 2002.
Ce billet a été modifié en dernier le 09 March 2005 à 18:46:33.
Commentaires
1. Le mercredi 9 mars 2005 à 14:29, par NiKo
2. Le mercredi 9 mars 2005 à 19:22, par Mozinet
Ce commentaire a été modifié le 2005-03-09 19:23:33.
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