Mozilla Corporation

Mozilla.com va-t-il manger Mozilla.org ?

L'argent de la MoCo va-t-il polluer l'esprit d'abnégation et les bons sentiments qui animent jusqu'ici le projet libre ? Après le temps de l'héroïsme des pionniers volontaires serait venu le temps du réalisme du business.

Comme prévu, la nouvelle de la création de Mozilla Corporation par Mozilla Foundation fait jaser (et même pourrait-on dire jazzer comme la majorité des commentaires reste exprimée en anglais). MozillaZine a publié un long article (on s'est même mis à deux pour le traduire plus rapidement – où c'est mauvais c'est forcément ma partie). En plus des billets en anglais qui y sont cités, Tristan Nitot a publié tard dans la soirée d'hier un nouveau billet en français où il rend un hommage appuyé à Mitchell Baker, la dompteuse de lézards en chef, qui passe de la présidence de la fondation à celle de la société.

Selon le président de Mozilla Europe, ça ne va pas changer grand chose. Ce ne serait en définitive qu'une opération fiscale.

De peur de perdre son privilège d'exemption fiscale, on préfère payer des impôts de soi-même. Brendan Eich évoque cette raison dans une discussion sur Slashdot :

Le problème avec les organisations à but non lucratif aux Etats-Unis ne se trouve pas sur le fait d'accumuler des « bénéfices personnels » mais sur le type d'activités poursuivies pour le « objectif d'intérêt général » de l'organisation à but non lucratif. « Agir comme si » nous étions une entité à but lucratif est un problème, même si nous n'accumulons jamais de bénéfices personnels et ne le distribuons jamais d'une manière ou d'une autre aux propriétaires (dans ce cas, la fondation Mozilla est l'unique propriétaire).

Donc même si nous agissons pour servir notre objectif d'intérêt général, et distribuons des fonds comme des subventions, ou sinon évitons les prises de bénéfices, si notre action sur le marché et avec nos partenaires ressemble à une activité commerciale à but lucratif, nous pourrions perdre notre statut d'organisme à but non lucratif. C'est quelque chose que la fondation ne veut pas risquer.

C'est la raison principale de la réorganisation.

Oui, il semble que Firefox fait de l'argent et à certains égards ça pourrait nous mettre en position d'« agir comme si » nous étions une entité commerciale à but lucratif.

Non, nous n'allons pas commencer à faire payer pour Firefox ou n'importe quel de nos autres produits (bière ou paroles) gratuits/libres.

A en croire ZDNet, les réactions des analystes de l'industrie informatique à la nouvelle sont positives. Si cette mesure est de nature à rassurer les entreprises partenaires et à générer de nouvelles opportunités de participation à des projets commerciaux, il n'en est pas de même pour la communauté. Avec des préoccupations différentes, les différents cercles concentriques de bénévoles impliqués dans le projet vont s'interroger sur les implications de cette nouvelle donne. Le bénévolat ne fait pas toujours (ou pas souvent) bon ménage avec les entreprises commerciales. Il est d'ailleurs même parfois proscrit.

Les informations sont encore beaucoup trop parcellaires pour prévoir quoi que ce soit de précis mais beaucoup risque de se jouer au niveau du degré d'autonomie qu'acquerra la MoCo par rapport à la MoFo et à la communauté.

Sans ce mauvais jeu de mots, je n'aurais pas repris ces acronymes que semblent affectionner les anglo-saxons. En outre, si vous saisissez l'anglais, le billet du membre du conseil consultatif de Mozilla et universitaire au MIT, Karim Lakhani, aborde le sujet de la réorganisation face à la communauté open source.