« Depuis quatre ans, nous sommes confrontés à une coalition de droite qui contrôle la Maison-Blanche, le Congrès ainsi que la majeure partie de la magistrature et des médias. Il s'agit bien d'un pouvoir de nature révolutionnaire, car il nie la légitimité de certaines de nos institutions sociales et politiques. (…) Que veut-elle ? Primo : démanteler les systèmes de protection sociale (c'est l'objectif du milieu des affaires). Secundo : revenir sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, principe de notre Constitution (c'est ce que veulent les fondamentalistes religieux). Tertio : intervenir militairement dans le monde sans se soucier du droit international (c'est ce que préconisent les néoconservateurs). Plus encore, cette coalition radicale ne considère pas l'opposition comme légitime, elle ne veut pas d'une alternance politique. En bref, elle rêve d'un pays sans filet de sécurité sociale, qui imposerait sa volonté dans le monde par la force, où l'on enseignerait la Bible dans les écoles (à la place de Darwin) et où les élections ne seraient qu'une formalité. (…)

« Il est de plus en plus clair que les membres clefs de l'équipe au pouvoir à Washington refusent les règles démocratiques qui nous semblaient acquises. Ils ne s'en cachent pas. Ce qui m'étonne, c'est que personne ne veut les croire (…) Leurs objectifs sont clairement affichés, et ils sont résolument extrémistes. (…)

« Les journalistes feraient mieux de réaliser qu'avec la droite radicale ils n'ont pas affaire à un pouvoir normal, raisonnable, mais à un pouvoir révolutionnaire, pour lequel tous les coups sont permis. (…) Cette droite ultralibérale veut consolider son emprise politique à tout prix. Et je m'inquiète sérieusement de l'utilisation, à la prochaine élection, des machines à voter électroniques qui ne conservent aucune trace des votes sur papier. »

L'Express, « Si George W. Bush est réélu… », 11 oct. 2004, Paul Krugman, propos recueillis par Dominique Simonnet