Le bureau fédéral américain des brevets (U.S. Patent and Trademark Office) vient d'invalider le brevet pour violation duquel avait été condamné Microsoft à verser 521 millions de dollars à la société Eolas. Eolas a maintenant 60 jours pour répondre à cette décision préliminaire du bureau des brevets. La procédure pourrait durer 18 mois.

En août de l'année dernière, un jury d'une cour fédérale de Chicago avait estimé que Microsoft avait utilisé, dans son logiciel de navigation Web Internet Explorer, la technologie des plug-in automatiques qui accèdent à des données extérieures sur laquelle la société unipersonnelle Eolas Technologies et l'université de Californie détenaient un brevet.

Microsoft avait alors entamé des études pour contourner le brevet en modifiant le comportement de son navigateur. Avec les grands utilisateurs de plug-in intégrés grâce à sa technologie ActiveX (Macromedia, RealNetwork, Apple), le géant du logiciel avait préparé les producteurs de contenus diffusés par ces divers lecteurs intégrés à IE (WMP, FlashPlayer, RealOne, QuickTime) aux modifications qu'ils devraient mettre en œuvre afin d'éviter les procédés techniques brevetés par Eolas (notamment le caractère automatique du plug-in et le caractère extérieur des données affichées).

Dans cette affaire, non seulement les concurrents de Microsoft sur les applications de diffusion des contenus multimédias étaient à ses côtés mais on retrouvait aussi ses adversaires directs sur le marché des navigateurs Web. Bien que le jugement de Chicago ne s'applique qu'à Microsoft, le brevet était susceptible d'être opposé à tous les navigateurs Web qui accueillent des plug-in. Le président du W3C, Tim Berners Lee était personnellement entré dans la controverse en appuyant la demande d'invalidation du brevet dont la reconnaissance aurait pu forcer le W3C à modifier ses standards libres. L'inventeur du Web avait présenté des documents de travail sur les spécifications HTML antérieurs au brevet Eolas qui décrivaient déjà cette incorporation d'objets faisant appel à du contenu extérieur. Tim Berners Lee déclarait que la décision Eolas « altérait la qualité d'utilisation du Web pour des centaines de millions d'individus aux Etats-Unis et autour du monde. »

Dans l'espoir de cette invalidation du brevet Eolas, Microsoft a décidé fin janvier d'ajourner les modifications de son navigateur, initialement prévues pour être intégrées au SP2 attendu mi-2004. Le 14 janvier dernier le juge en charge de l'affaire a maintenu le jugement d'août et interdit à Microsoft de distribuer des versions de son logiciel Web comprenant de la technologie susceptible d'enfreindre les spécifications techniques brevetées. Cependant, le juge a suspendu son injonction jusqu'à l'aboutissement de l'appel que Microsoft n'a pas manqué d'interjeter. La multinationale américaine doit quand même verser plus de 45 millions de dollars de « prejudgment interest » pour sa violation durant la procédure d'appel.

CNET News.com, Feds reject Eolas browser patent, 5 mars 2004, Reuters

The Register, Eolas' web patent nullified, 5 mars 2004, Andrew Orlowski (San Francisco)

InternetNews, 5 mars 004, Susan Kuchinskas :